Aix, Rue Mignet : historien, academicien et… joueur de pétanque !

La rue Mignet est très connue à Aix et largement fréquentée, notamment par tous ceux qui vont au grand marché alimentaire des trois places et qui sont venus en bus, via l’arrêt Bellegarde, ou en voiture, se garant au parking du même nom.

En effet, la rue Mignet va de la place Bellegarde (au carrefour du cours Saint-Louis, du boulevard Zola, du Cours de la Trinité, de l’avenue Jules Isaac et du boulevard Aristide Briand) à la lace des Prêcheurs (ou de la Madeleine), l’une des places où se tient traditionnellement, trois fois par semaine, le marché alimentaire. La rue est également connue des Aixois pour abriter l’école Sainte-Catherine de Sienne (école, collège et lycée), l’une des grandes institutions scolaires privées d’Aix, la chapelle de la Visitation, dont la façade a été admirablement restaurée, et l’hôtel de Valbelle, qui abritait la gendarmerie, puis la sous-préfecture, avant d’être transformé en appartement de standing. 

Au début de la rue, du côté de la place Bellegarde, se trouvait la porte Bellegarde, un des points d’accès de la ville, porte démolie à la fin du XIXéme siècle, mais dont on trouve encore en haut de la rue et près du parking quelques vestiges. Cette rue s’appelait tout naturellement rue Bellegarde, avant d’être rebaptisée en 1885 rue Mignet, en l’honneur de François-Auguste Mignet, né au numéro 44A de la rue, à l’angle de la rue Lice-Saint-Louis, le 8 mai 1796. Une plaque, posée sur la façade, témoigne de cet événement.  C’est dire que si Mignet est une personnalité connue nationalement (sans doute un peu moins que Zola ou Thiers, mais il a tout de même lui-aussi des rues à son nom à Paris, Marseille, Toulon…), il est, contrairement à eux, né dans notre ville. 

François-Auguste Mignet, petit-fils d’un notaire, fils d’un serrurier, a été élève au collège d’Aix (Andrettes, rue Cardinale), puis au lycée d’Avignon, comme boursier.  En 1814, il commence des études de droit à la Faculté de droit d’Aix, où il deviendra l’ami de Thiers, dont nous avons parlé dans un autre article, une amitié solide et durable, qui les aidera dans leurs carrières respectives. En 1818, il soutient une thèse de licence, obtenue à l’unanimité avec les félicitations du jury, et il devient avocat. Mais il préfère nettement l’histoire au droit. Comme le souligne la notice biographique sur Mignet, rédigée par Charles Cassou et publiée sous la direction de E. Pascallet à la Revue générale biographique, « Le barreau avait pour lui moins d’attraits que les lettres » et, dans les lettres, il choisit l’histoire. Jean Bonnoit, dans l’ouvrage de l’Académie d’Aix « Deux siècles d’Aix-en-Provence, 1808-2008 » rappelle que son premier ouvrage, couronné par l’Académie de Nîmes, portait sur « Un éloge de Charles VII », puis c’est l’Académie d’Aix qui le récompense pour une thèse sur « L’absence » et il est aussi lauréat de l’Académie des inscriptions et belles-lettres pour un « Essai sur les institutions de Saint-Louis ». 

Ensuite, à partir de 1821, sa carrière sera parisienne, comme celle de Thiers. Dès 1824, il publie une « Histoire de la Révolution française » (qui sera traduite en vingt langues !), il donne des cours à l’Athénée et il collabore à plusses journaux et revues (en particulier au National, ave Thiers). Politiquement, il faisait partie de l’opposition libérale à la Restauration, prenant une part importante à la Révolution de juillet1830 (« les trois glorieuses »). Sous Louis-Philippe, il sera notamment conseiller d’Etat et directeur des archives au ministère des affaires étrangères. Il est élu en 1832 à l’Académie des sciences porales et politiques, dont il sera secrétaire perpétuel en 1836, succédant à l’économiste Charles Comte ; les honneurs se multiplient, grand-croix de la Légion d’honneur, membre de l’Académie française et de très nombreuses sociétés savantes françaises et étrangères, …  

Il n’oubliera pas Aix, devenant en 1882 membre d’honneur de l’Académie des Sciences, Agriculture, Arts et Belles-lettres d’Aix.  D’ailleurs, Jean Bonnoit rappelle qu’il « n’oubliait pas sa ville natale et y revenait souvent ». Pour Mignet, « Rien n’est plus propre à refaire un homme que de vivre au soleil, parler provençal, manger de la brandade et faire tous les matins une partie de boules ». Comme le rappelait Paul Chovelon dans le Courrier d’Aix, en 1999, Frédéric Mistral lui-même écrira que « M. Mignet, l’historien et l‘académicien illustre, venait tous les ans à Aix. Il avait même formulé la maxime » sur le plus propre à refaire un homme, que Jean Bonnoit rappelait ci-dessus. Et Chovelon de conclure : « il a dû avoir de la peine de mourir à Paris sans soleil et sans brandade » ! 

La ville d’Aix sera reconnaissante, à ce grand historien, de sa fidélité à sa ville natale, puisque le lycée public (qui sera d’ailleurs en partie installé dans le bâtiment où il avait été élève) portera le nom de Mignet (devenu aujourd’hui seulement collège, mais ayant longtemps eu toutes les classes, du primaire à la terminale). Et s’il est mort à Paris le 24 mars 1884, ses obsèques ont été célébrées à l’église de la Madeleine à Aix le 3 avril, et il sera enterré au cimetière Saint-Pierre. Il était donc naturel que sa rue natale devienne la rue Mignet. 

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